Au lendemain des Beatles, Paul McCartney signe un premier album solo où, entouré seulement de sa femme, il assure tous les instruments. Mais lorsque vient le temps d'enregistrer Ram, en 1971, il décide de recruter des musiciens. Son premier complice? Le batteur Denny Seiwell, avec lequel il formera ensuite le groupe Wings.
Avec ses baguettes, Denny Seiwell peut jouer d'à peu près tous les styles de musique, du rock au classique. Pas étonnant qu'au fil des ans, il ait multiplié les aventures, côtoyant Billy Joel, James Brown, Astrid Gilberto ou même, de manière posthume, Janis Joplin. Il a également participé à une foule de bandes sonores, dont Atlantis et Waterworld. Si son séjour au sein de Wings a été relativement bref, il en garde d'impérissables souvenirs. Le Soleil s'est entretenu avec le musicien qui pilote aujourd'hui le Denny Seiwell trio, une formation jazz qui se permet parfois de reprendre le répertoire de McCartney et des Beatles.
Q Exception faite de Linda McCartney, vous avez été le tout premier à travailler avec Paul après les Beatles...
R Oui, il était venu à New York et la première chose qu'il a faite a été de chercher un batteur. Il a rencontré une dizaine de gars qui faisaient du travail de studio et il a aimé ce que je faisais. Ç'a été une sorte d'audition assez étrange qui a mené à l'enregistrement de l'album Ram. Après Ram, il m'a invité pour des vacances et une fois arrivé, il avait autre chose en tête. Il a dit : «Je m'ennuie de jouer dans un groupe. Veux-tu te joindre?» J'ai dit : «oui, certainement!»
Q Réalisiez-vous, à l'époque de Ram, qu'il avait du matériel de si grande qualité?
R Chaque jour, il apportait une nouvelle chanson et on se disait : «Wow, ce n'est pas la norme, ce n'est pas ce sur quoi on travaille habituellement.» On savait que l'on jouait sur de la musique intemporelle, qui serait entendue dans 50 ans. Et ç'a été réédité l'an passé. L'album Ram est probablement le meilleur que j'ai jamais enregistré.
Q Aujourd'hui, il est acquis que c'est l'un des incontournables de la discographie de McCartney, mais à l'époque, la réception avait été plutôt froide. Ça vous avait surpris?
R Oui, ça m'avait surpris, mais en même temps, ce n'est pas étonnant que lorsqu'un Beatle quitte les Beatles, tout le monde dise «on veut les Beatles». Ce n'était pas des critiques de ce qui se passait véritablement sur l'album, c'étaient davantage des impressions liées à la séparation du groupe.
Q Après Ram, Wings est né, où Paul oeuvrait avec Linda à ses côtés. C'était particulier d'être dans un groupe piloté par un couple?
R Oui, c'était un peu étrange... Au départ, lorsque Paul a manifesté son intention de former un groupe, j'avais suggéré Hugh McCraken, l'un des deux guitaristes qui étaient sur Ram. Il était en Angleterre, terminait une tournée il est venu à la ferme de Paul, en Écosse, et donc ce devait être Paul, Hugh, moi et un pianiste de New York, Paul Harris. Je tentais d'influencer Paul de manière à réunir cette bande d'excellents musiciens pour qu'on puisse faire tout ce dont on avait envie, mais je crois qu'il était dans cette période où il était tellement seul dans ses décisions juridiques à propos des Beatles, qu'il avait besoin de sa femme à ses côtés. Elle était son bras droit, sa meilleure amie, la mère des enfants. C'était important de l'avoir dans le groupe et sur scène. Au départ, on n'avait pas vraiment compris, mais avec le temps, il est devenu clair qu'elle devait être là.
Q Vous avez été au sein de Wings seulement de 1971 à 1973, mais avez trouvé le temps de faire deux albums studio, des simples et une chanson-thème d'un film. Vous n'avez pas chômé...
R On a fait une tournée des universités, une tournée européenne et une américaine, Live and Let Die et My Love. C'était le meilleur moment pour être là et le pire, en raison de tout ce qui se tramait chez Apple et les anciens associés de Paul, la séparation légale des Beatles, les poursuites, etc. Il tentait de bâtir quelque chose de neuf avec Wings et c'était difficile...
Q C'est en raison de ça que vous avez quitté le groupe?
R Oui. Il y avait des éléments financiers qui étaient négligés. Je n'avais pas de contrat après tant de temps. Je pense que si j'avais eu un contrat, je serais encore avec lui, parce que j'aimais tellement faire de la musique avec Paul, il est probablement le gars le plus talentueux avec lequel j'ai travaillé. J'adorais Linda et les enfants, c'était une grande famille, on s'aimait tous, mais vous ne pouvez pas quitter une place de premier plan, à New York, pour être dans le plus grand groupe de la planète, mais ne pas faire un sou. Je vivais dans un appartement avec des meubles loués, à Londres, et j'empruntais de l'argent pour louer un véhicule afin de me rendre en studio. C'était plutôt triste...
Q Vous êtes néanmoins resté en contact avec Paul...
R Quand Linda a commencé à être sérieusement malade, on a passé davantage de temps ensemble. Puis lorsqu'elle est décédée - ma femme Monique et moi nous sommes mariés en 66 et Linda et Paul, en 69 -, on s'est efforcé d'être présent pour lui dans cette période de deuil. On est restés amis, donc.
Q Ces jours-ci, entre l'enseignement et les cliniques de batterie, vous revenez à vos premières amours, le jazz. Parlez-moi de votre trio...
R J'ai beaucoup de plaisir avec mon trio jazz, qui existe depuis deux ou trois ans, avec John Chiodini à la guitare, Joe Bagg à l'orgue et moi-même à la batterie. On fait régulièrement des reprises de McCartney ou des Beatles. On a un album, Reckless Abandon, qu'on peut se procurer dans mon site Web, au www.dennyseiwell.com et on en prépare un deuxième. [...] Je suis partenaire aussi de musinq.com, où le public peut poser directement des questions aux musiciens professionnels, comme moi, Davey Johnstone ou Lee Sklar. On est sur le point de refondre le site entièrement et de l'enrichir.