Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band

Publié le 1 Juin 1967

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est le huitième album studio des Beatles, publié le 1er juin 1967 au Royaume-Uni et en France et le jour suivant aux États-Unis et au Canada. Enregistré sur une période de 129 jours, cet album est souvent considéré par les critiques comme leur plus grande œuvre et l'un des albums les plus influents de l'histoire de la musique populaire, figurant entre autres à la première place dans la liste des « 500 plus grands albums de tous les temps » du magazine Rolling Stone.

Par son retentissement, par la façon dont il a révolutionné l'industrie du disque, par sa durée de vie dans les hit-parades et par la force avec laquelle il a capté l'air de son temps, Sgt. Pepper reste encore à ce jour une pierre angulaire de l'histoire de la musique et de la culture populaire de la seconde moitié du XXe siècle. Preuve de sa popularité, avec 32 millions de copies écoulées, il est un des albums les plus vendus au monde, ainsi que le plus vendu du groupe et de la décennie 1960. 

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band

Genèse et enregistrement

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band est enregistré alors que les Beatles s'extraient de la pression liée à la Beatlemania. Le 29 août 1966, les quatre musiciens donnent leur dernier concert au Candlestick Park de San Francisco. Après cette ultime tournée aux États-Unis, où le décalage ne cesse de se creuser entre ce qu'ils veulent proposer à leur public et ce que celui-ci parvient à entendre au milieu des hurlements et dans des conditions de sonorisation encore balbutiantes, entre ce qu'ils produisent désormais en studio et ce qu'ils arrivent à délivrer sur scène, les quatre Beatles, même Paul McCartney qui est alors celui qui tient le plus à continuer les tournées, décident que c'en est assez. Le groupe profite d'un long congé pour se ressourcer. Harrison se rend en Inde pour des cours de sitar avec Ravi Shankar et s'initie à la culture du pays. Lennon joue dans le film How I Won the War réalisé par Richard Lester, tourné à Celle près de Hanovre en Allemagne et à Almería en Espagne. Starr, outre une escapade pour rendre visite à Lennon en Espagne, reste à Londres et passe le plus clair de son temps avec sa femme et son fils. 

Quant à McCartney, il travaille sur la bande son du film The Family Way, voyage incognito en France puis part en safari au Kenya avec sa fiancée Jane Asher et son ami Mal Evans. Dans l'avion du retour, Evans demande à McCartney de lui passer le sel et le poivre (« salt and pepper ») et ce dernier entend « Sergeant Pepper ». Ce malentendu les fait rigoler et sème l'idée du nouveau projet des Beatles. Il est amusant également de noter l'existence d'un album du groupe "Billy Pepper and the Pepperpots" sorti en 1964 https://www.discogs.com/Billy-Pepper-The-Pepperpots-Beat--More-Merseymania/master/425472 [archive]. Ce groupe ouvrait chaque face par une reprise des Beatles puis suivaient leurs compositions très inspirées par les Fab Four. Un détail très curieux est la similarité du visage du Sergent Pepper dans l'insert de l'album des Beatles et l'un des visages des musiciens de "Billy Pepper". Il est difficile de croire qu'aucune des personnes de l'entourage des Beatles (voire les Beatles eux-mêmes) n'aient eu la connaissance de cet album.

À la fin de l'automne 1966, ils reviennent en studio à Abbey Road ; déterminés, les Beatles s'expliquent avec le producteur George Martin en des termes résolus : « C'est très simple. Nous en avons marre de jouer en public. Mais cela nous donne l'occasion d'un nouveau départ... », dit John Lennon au producteur. « Nous ne pouvons plus nous entendre sur scène à cause de tous ces cris », ajoute Paul McCartney. « Alors, où en sommes-nous ? Nous avons essayé de jouer sur scène des chansons de notre dernier album [Revolver] mais il y a tellement d'overdubs compliqués dessus que nous n'avons pu leur rendre justice. Maintenant, nous pouvons enregistrer tout ce que nous voulons, cela n'aura plus aucune importance. Ce que nous voulons, c'est placer la barre très haut, faire le meilleur album que nous ayons jamais réalisé » conclut-il. « Ce que nous disons » poursuit Lennon, « c'est que si nous ne tournons plus, nous pouvons enregistrer de la musique que nous n'aurons pas à interpréter live, et cela veut dire que nous pouvons créer quelque chose qui n'a jamais encore été entendu, un nouveau genre de disque avec de nouveaux genres de sons ». C'est ainsi qu'ils ouvrent une nouvelle période dans leur carrière — qui sera connue plus tard sous le nom de The Studio Years (« les années studio ») — en commençant par le plus ambitieux des projets.

Le nom de l'album est lié à la tendance américaine de donner des noms « à rallonge » aux groupes, comme Quicksilver Messenger Service, Big Brother and the Holding Company ou Commander Cody and His Lost Planet Airmen. Sur une idée de McCartney, les Beatles décident de former un groupe fictif qui lui aussi aurait un nom très long et partirait en tournée à leur place. Lors du séjour des Beatles à Toronto, le 17 août 1966, le policier responsable de leur sécurité était le sergent Randall Pepper. Bien que ceci n'a jamais été officialisé, on ne peut s'empêcher de penser que le lien d'amitié entre le sergent Pepper et le groupe ait pu influencer la genèse du titre de leur prochain album. Pour la première fois dans leur carrière, les Beatles disposent de tout le temps nécessaire pour préparer leur album. En tant que groupe vedette et plus grand succès de la maison de disques EMI, ils ont un accès presque illimité à la technologie des studios Abbey Road, où ils enregistrent tous leurs albums depuis le début de leur carrière. Les quatre membres du groupe ont une préférence pour les longues sessions de nuit et toute l'équipe d'ingénieurs du son dirigée par le producteur George Martin se tient à leur service, prête à soutenir toutes leurs expérimentations. En tout, 129 jours (de décembre 1966 à avril 1967) seront nécessaires pour enregistrer les treize chansons de l'album ainsi que Penny Lane et Strawberry Fields Forever, sorties séparément en single en février 1967. Selon les sources, l'enregistrement de l'album a duré entre 300 et 700 heures, un total sans précédent à l'époque.

Depuis les enregistrements des deux précédents albums, Rubber Soul (1965) et Revolver (1966), les goûts des Beatles ont évolué. Au rhythm and blues, à la pop et au rock 'n' roll de leurs débuts s'est ajoutée une variété de nouvelles influences qui va de la musique indienne — sous l'impulsion du guitariste George Harrison — à la musique classique et même baroque, dont George Martin est un expert. Les musiciens sont par ailleurs devenus familiers d'un grand nombre d'instruments comme l'orgue Hammond et le piano électrique, sans oublier les instruments indiens comme le sitar, la tampura et diverses percussions. L'ajout de ces nouvelles sonorités dans la « musique occidentale » marque les balbutiements du phénomène musiques du monde dans la pop. Leur palette instrumentale couvre maintenant les cuivres, les bois, les instruments à cordes, les percussions et tout ce qui peut leur apporter une sonorité recherchée. L'ensemble de ces évolutions, qui concerne aussi l'écriture des paroles, est arrivé à maturation au moment des sessions de Sgt. Pepper.

La période Pepper coïncide aussi avec l'introduction de quelques innovations musicales importantes. Le travail d'autres musiciens tels que Bob Dylan, Frank Zappa, Jimi Hendrix, Phil Spector et Brian Wilsonb redéfinit radicalement ce qui était possible pour les musiciens pop en termes d'écriture et d'enregistrement. Les technologies de studio ont atteint un haut degré de développement et de grandes innovations sont encore à venir. Les vieilles règles de l'écriture sont abandonnées et des thèmes lyriques complexes sont explorés pour la première fois dans la musique populaire. Les chansons deviennent plus longues, le point culminant étant atteint dans les années 1970 avec, par exemple, les groupes de rock progressif tels que Pink Floyd et ses titres s'étalant sur une face entière de 33 tours, comme le morceau Echoes. Ces derniers enregistraient au même moment à Abbey Road leur premier album, The Piper at the Gates of Dawn dans la pièce d'à côté, et deviendra à sa sortie un classique du rock psychédélique. 

Caractéristiques artistiques

Conceptualité

Dans cet album, la « fanfare du club des cœurs esseulés du sergent Pepper » accueille le public à son concert et tout, jusqu'à sa pochette innovante et débordante de couleurs, fait de ce disque un pionnier de l'album-concept, ne serait-ce que par son retentissement. Mais il faut attendre 1968 pour pouvoir écouter un vrai "concept-album" racontant une histoire de la première à la dernière chanson: S.F. Sorrow du groupe The Pretty Things. Le biographe Steve Turner écrit : « presque toutes les conventions régissant les 33 tours furent transgressées ». Pourtant, au-delà du personnage de Billy Shears (interprété par Ringo Starr), qui fait le lien entre la chanson-titre et With a Little Help from My Friends, les chansons n'ont pour la plupart aucun rapport entre elles, John Lennon a d'ailleurs confirmé des propos similaires dans une entrevue. Afin d'assurer la cohérence du projet, le groupe, sur une idée de son assistant Neil Aspinall, décide de reprendre la chanson-titre en avant-dernier morceau (« merci, nous espérons que vous avez aimé le show, nous sommes désolés mais il est temps de partir »), plus vite, plus rock et dans une autre tonalité. 

Et parfois, le hasard fait bien les choses ; le cri du coq que l'on entend à la fin de Good Morning Good Morning est dans la même tonalité que le premier accord de la reprise de Sgt Pepper et permet donc, sur la version stéréo, de lancer celle-ci. Le « concert » se termine avec A Day in the Life, tel un rappel. À la suite d'une montée orchestrale, l'album est clos par le long decrescendo d'un accord de mi majeur — joué simultanément sur tous les pianos disponibles dans les studios Abbey Road par Lennon, McCartney, Starr, Martin et Mal Evans —, un sifflement à 20 kHz, inaudible par l'homme mais destiné à faire aboyer les chiens, et un « jingle » sans fin sur le sillon intérieur. Par ailleurs si vous observez la courbe Wave de ce titre sur un logiciel de montage audio vous verrez bien ce passage inaudible à l'oreille humaine sous la forme d'un long "pavé". George Martin indique que le disque « fut accepté comme le premier album conceptuel, même s'il n'en était pas réellement un ». Lennon minimisait l'approche conceptuelle en expliquant que les chansons avaient été juxtaposées fortuitement. 

Écriture des chansons

La réussite de Sgt. Pepper est encore largement le fruit de la collaboration entre John Lennon et Paul McCartney dans l'écriture de la plupart des chansons. Il y a celles entièrement coécrites, comme With a Little Help from My Friends en partant d'une simple idée de départ de Paul : la phrase « avec un peu d'aide de mes amis ». Toute la chanson est développée dans l'idée de la confier à Starr et d'en faire un dialogue entre le personnage de Billy Shears et un chœur qui lui pose une série de questions. Il y a celles composées par Paul avec un ajout décisif de John. Sur Getting Better, c'est ce dernier qui contrebalance l'optimisme de son partenaire, en ajoutant « it can't get no worse » (« ça ne peut pas être pire ») derrière les paroles de Paul « It's getting better all the time », et qui écrit le pont de la chanson dans lequel il décrit comment il était « cruel envers sa femme ». Jimmie Nicol, batteur des Beatles en juin 1964, avait coutume de répéter cette phrase "It's getting better all the time" pendant les répétitions à l'apprentissage des parties de batterie de Ringo Starr, Paul McCartney aura retenu cette phrase pour l'écriture de cettte chanson.

Lorsque Paul part d'un fait divers pour composer She's Leaving Home, John ajoute le chœur grec en réponse des parents, incapables de comprendre la fugue de leur fille. Il y a celles écrites par John avec le concours de Paul. Lorsque Lennon démarre avec un dessin de son fils Julian pour Lucy in the Sky with Diamonds, McCartney trouve des paroles, comme « cellophane flowers of yellow and green ». L'apport peut aussi être instrumental, comme les fameuses notes de mellotron composées par Paul pour l'introduction de Strawberry Fields Forever. Le résultat le plus remarquable, et inédit, est constitué par A Day in the Life. Dans ce cas très particulier, il y a une chanson de John (« I read the news today oh boy ») et une autre de Paul (« woke up, fell out of bed... »). Les deux compères les assemblent, s'amusent à écrire la phrase de liaison sévèrement connotée « I'd love to turn you on », et les transitions entre les deux parties. Ce sera une rare fois, avec plus tard deux titres du medley d'Abbey Road et I've Got a Feeling sur Let It Be, que deux chansons distinctes des auteurs-compositeurs sont assemblées et enregistrées ensemble d'une seule traite. "I read the news today oh boy" est une phrase que l'on retrouvera à la fin de la chanson Young Americans (chanson) de David Bowie en 1975, ce qui est un clin d'oeil de/à John Lennon.

L'inspiration, elle, prend des formes multiples : la lecture des journaux pour A Day in the Life ou She's Leaving Home, la reproduction du texte d'une affiche de cirque du XIXe siècle pour Being for the Benefit of Mr. Kite!, le souvenir du batteur temporaire des Beatles en juin 1964, Jimmy Nicol, pour Getting Better, la sonorité du mot « meter maid » pour Lovely Rita, les travaux de restauration d'une vieille ferme écossaise pour Fixing a Hole, un hommage musical de Paul à son père Jim pour When I'm Sixty Four, le dessin de Julian Lennon et les œuvres de Lewis Carroll pour Lucy in the Sky with Diamonds, une publicité télévisuelle vantant une marque de céréales pour Good Morning Good Morning, la musique de son ami Ravi Shankar pour Harrison dans Within You Without You, ou encore, la nostalgie de l'enfance à Liverpool pour Paul dans Penny Lane et John dans Strawberry Fields Forever. 

Chansons non incluses

Alors que les Beatles poursuivent la conception et la réalisation de Sgt Pepper, trois chansons enregistrées en vue de leur introduction dans l'album sont éliminées. Les deux premières, Strawberry Fields Forever et Penny Lane, sortent en single double face A le 13 février 1967. À la demande de Brian Epstein, afin qu'un nouveau 45 tours soit disponible dans les bacs durant l'hiver, Martin doit en effet livrer, à contrecœur, ces deux chansons puisqu'elles sont à ce point les plus abouties. Compte tenu du principe adopté depuis leur troisième 45 tours, qui veut que ce qui sort en single ne fasse pas ensuite partie des albums, les deux chansons de Lennon et McCartney, évoquant la nostalgie de leur enfance à Liverpool, connaissent ce destin. Si l'on tient compte du fait que ces deux chansons sorties en single abordaient leurs jeunes années à Liverpool The Beatles tenaient là un concept majeur sur le thème de la nostalgie qui avait déjà été abordé dans "In My Life" et qui aurait pu sous tendre tout leur album. Martin qualifiera plus tard cette décision d'« épouvantable erreur ». Il a aussi été envisagé utiliser la chanson When I'm Sixty-Four, elle aussi déjà mise en boîte, comme face B à l'une ou l'autre de celles-ci.

La troisième chanson, intitulée Only a Northern Song et écrite par Harrison, est enregistrée durant les séances pour l'album. Rapidement on se rend compte qu'elle ne colle pas avec l'ambiance que l'on veut donner à l'album et sera remplacée par Within You Without You, une autre de ses compositions que le groupe juge meilleure. Only a Northern Song apparaît finalement dans la bande originale du film Yellow Submarine en 1969. Un dernier morceau, Carnival of Light, est enregistré par les Beatles le 5 janvier 1967, menés par McCartney. Il s'agit d'une improvisation avant-gardiste d'une durée de quatorze minutes créée pour un spectacle son et lumière, A Million Volt Light and Sound Rave, ayant lieu à la Roundhouse de Londres les 28 janvier et 4 février 1967 et jamais réentendue en public depuis. Bien qu'effectué lors des séances de la chanson Penny Lane, il n'a jamais été question d’intégrer cet enregistrement dans l'album; il ne sera même pas inclus dans la collection d'enregistrements qui a été publiée pour célébrer le cinquantième anniversaire de la sortie de l'album, à l'instar de Only a Northern Song d'ailleurs. L'enregistrement de Pantomime: Everywhere It's Christmas, le disque de Noël annuel offert au fan club, se fait aussi au début de ces séances. 

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
Innovations techniques

Les innovations en termes d'enregistrement sont nombreuses pour Sgt. Pepper et marqueront durablement l'industrie du disque et la façon de considérer le travail en studio. Par exemple, les ingénieurs des studios Abbey Road inventeront pour les Beatles le vari-speed, un nouveau bouton sur le magnétophone qui permet de faire varier la vitesse de défilement de la bande. On enregistre ainsi la voix en faisant tourner le magnétophone plus lentement puis on le remet à vitesse normale. Ce procédé est notamment utilisé pour modifier le timbre de la voix de Lennon sur Lucy in the Sky with Diamonds. On peut aussi s'en servir pour relier deux prises enregistrées à un tempo différent, comme sur Strawberry Fields Forever. George Martin et son équipe technique ont également inventé la « synchronisation » de deux magnétophones 4-pistes, à travers une fréquence émise d'une machine vers l'autre, utilisée pour enregistrer l'orchestre symphonique exécutant la « montée » dans A Day in the Life, tandis que tourne la bande où jouent les Beatles.

Ils utilisent abondamment le reduction mixdown (également appelé bouncing), qui permet de transférer les quatre pistes — il faut se souvenir qu'en 1967, c'est le maximum dont ils disposent — enregistrées sur un magnétophone pour n'en faire plus qu'une seule sur un autre, libérant ainsi trois nouvelles pistes. On peut multiplier le procédé, mais avec une certaine limite : quatre fois (soit un 16 pistes virtuel) constituera le maximum permis pour ne pas avoir trop de dégradation du son. A Day in the Life a fait les frais de ce procédé, sur le pressage audio original mono et stereo on entendait un souffle sur toute la chanson, ce qui a été corrigé sur les pressages ultérieurs. Les Beatles utilisent des pédales wah-wah et un fuzzbox, qu'ils transforment avec leurs propres idées expérimentales, comme faire passer des voix et des instruments à travers une cabine Leslie. Une autre innovation sonore importante est la découverte de la technique de la boîte de direct par McCartney, dans laquelle on peut enregistrer la guitare basse en la branchant directement dans un circuit amplifiant de la console d'enregistrement. Paul enregistre désormais toutes ses parties de basse à part, et souvent à la fin. 

Instrumentation

Les chansons de Sgt. Pepper comportent des arrangements musicaux très élaborés — par exemple, l'ensemble de clarinettes sur When I'm Sixty-Four — et des utilisations très importantes d'effets audio comme l'écho, la réverbération et les bandes passées à l'envers. Beaucoup de ces effets ont été créés par Martin et son équipe d'ingénieurs des studios Abbey Road. L'un des quelques moments de discorde survient pendant l'enregistrement de She's Leaving Home. Martin est indisponible à ce moment et McCartney, impatient, engage le compositeur Mike Leander pour écrire les arrangements de la section des cordes. La situation se répète lors de la composition de la musique du film Magical Mystery Tour, aussi avec Leander.

Un autre exemple de la production de l'album est la chanson de Lennon Being for the Benefit of Mr. Kite!, qui clôture la première face du 33 tours original. Les paroles ont été adaptées presque mot pour mot d'une vieille affiche de cirque du XIXe siècle que Lennon a achetée à un magasin d'antiquités dans le Kent le jour où les Beatles y ont filmé le clip promotionnel de Strawberry Fields Forever. Le collage sonore qui donne à la chanson son caractère distinctif est créé par Martin et Geoff Emerick, qui amassent divers enregistrements d'archive de calliope, ensuite coupés en longueurs variées, jetés en l'air, collectés dans une boîte, mixés ensemble dans un ordre aléatoire, faisant une longue bande qui sera mixée avec la chanson lors de la production finale.

La chanson qui ouvre la deuxième face, Within You Without You, est inhabituellement longue pour une chanson pop à cette époque, et ne comprend que George Harrison au chant, au sitar et à la guitare acoustique, tous les autres instruments étant joués par un groupe londonien de musiciens indiens et un orchestre classique. Le travail de George Martin sur ce titre est remarquable par ses qualités de producteur et d'arrangeur, mariant avec génie la musique orientale et occidentale, tout en ne prenant pas au sérieux à en juger les rires (sous influence de substances stupéfiantes?) à la fin de la chanson. Ces déviations du rock 'n' roll traditionnel ont été facilités par la décision des Beatles de ne plus faire de concerts, par leur habileté à engager de bons musiciens et par l'intérêt grandissant de Harrison pour la musique indienne et la religion hindoue, qui l'ont conduit à prendre des leçons de sitar avec le musicien indien Ravi Shankar. Sa fascination pour la musique et les instruments indiens est mise en évidence sur plusieurs chansons, comme Lucy in the Sky with Diamonds et Getting Better, où il joue de la tambura.

Cet album utilise aussi beaucoup d’instruments à claviers. Un piano à queue est employé sur plusieurs chansons, comme A Day in the Life et Lovely Rita, et un orgue Hammond est utilisé dans plusieurs autres chansons. Un clavecin peut être entendu sur Fixing a Hole et un harmonium est joué par Martin sur Being for the Benefit of Mr. Kite!. Le piano électrique, le glockenspiel et le mellotron sont aussi utilisés sur l'album. Le 10 février 1967 dans le studio n°1 d'Abbey Road, un orchestre classique de 41 musiciens enregistre la montée aléatoire pour A Day in the Life. Martin exécute les instructions de McCartney : la première et la dernière note sont dans la tonalité du mi majeur et chaque musicien doit partir de la note la plus basse de son instrument, puis monter à la plus haute sur 24 mesures et à la vitesse qui sera choisie par chacun sans se soucier de ce que jouera son voisin. George Martin, initalement, n'était pas très favorable à cette expérimentation, mais le résultat est là, un véritable orgasme musical. 

Versions mono et stéréo

Les Beatles étaient présents pendant le mixage de l'album en mono et le disque vinyle est originellement sorti dans cette version accompagnée d'un mixage stéréo préparé par une équipe d'ingénieurs du son des studios Abbey Road dirigée par Geoff Emerick. Ces deux versions sont fondamentalement différentes : la bande est quelques fois lue à une autre vitesse. Par exemple, la chanson She's Leaving Home a été mixée en mono à une plus grande vitesse que sur l'enregistrement original et joue donc sur un tempo plus rapide. Inversement, la version mono de Lucy in the Sky with Diamonds est considérablement plus lente que sur la version stéréo et comporte plus d'effets sonores. Des variations apparaissent aussi sur la version en CD de l'album. Les cris de McCartney à la fin de la reprise de Sgt. Pepper peuvent être très bien entendus dans la version mono, mais sont presque inaudibles dans la version stéréo. Certains croient entendre "Paul is a dead man, he's really really dead" puis une partie inintelligible et la phrase "let you know" en lecture accélérée. La version mono de la chanson comporte une batterie qui ouvre la chanson avec plus de présence et de force. Le fameux segue à la fin de Good Morning Good Morning où le cri du coq, qui devient un son de guitare sur la version stéréo, est placé à un temps différent sur la version mono et cet effet disparaît. D'autres variations entre les deux mixages incluent un rire plus fort à la fin de la version mono de Within You Without You et une fin froide et sans écho sur la version mono de Being for the Benefit of Mr. Kite!.

Sur les premiers pressages mono de l'album, juste après A Day in the Life, le dernier morceau, un sillon sans fin, c'est-à-dire revenant sur lui-même, pouvait être entendu sur les platines manuelles. Il l'est à nouveau depuis la réédition de l'album en disque compact où on l'entend se répéter une dizaine de fois avant de fondre en fermeture. Une fausse légende affirmait que les Beatles prononcent « I never know the end » (« je ne connais jamais de fin »). Le groupe prononce deux ou trois phrases. Une première phrase en premier plan pouvant être entendue aussi bien à l'endroit qu'à l'envers, disant quelque chose comme « He never kissed me any other way / is he any other way » ou encore « it will be like this again » dans un sens, dans l'autre « very soon ». La deuxième phrase, en arrière-plan, est enregistrée à l'envers et seule sa deuxième partie est compréhensible : « Supermen ». Quelqu'un a suggéré à Paul McCartney que l'on entendait "We fuck like Supermen" ce qui l'a fait beaucoup rire. Ce sillon a alimenté de nombreuses spéculations participant à la légende des Beatles. C'est le premier album des Beatles qui est publié à l'identique en Amérique du Nord par Capitol Records mais le montage sonore du sillon final n'est pas inclus. La bande maîtresse monophonique est envoyée aux États-Unis le 21 avril pour commencer la production des disques, le jour même où le montage sonore est enregistré. Le lendemain, la bande stéréo est à son tour livrée mais le montage final n'est pas encore prêt. Il sera inclus sur la compilation américaine Rarities publiée en 1980. 

Pochette

La pochette de l'album est, sans doute, l'une des plus célèbres de l'histoire de la musique; le montage élaboré de la photo de couverture, la photographie des « Fab Four » s'étalant sur les deux à-plats intérieurs, le visuel du verso de la couverture avec les paroles des chansons et enfin la planche à découper uniface qui y est insérée. De plus, dans les premières éditions britanniques, on fabrique une pochette de protection du disque vinyle format 33 tours possédant un design inédit. 

Le visuel de couverture

La couverture de l'album a été réalisée par les artistes anglais Jann Haworth et Peter Blake. Il ne s'agit pas ici d'un photomontage, mais bien d'une photo du groupe au milieu d'une installation composée de personnages imprimés grandeur nature sur du carton taillé, de statues et d'objets, devant un fond bleu ciel. Ce diorama se décompose en trois plans : le premier est constitué principalement d'un massif de fleurs dans lequel est inséré un assemblage d'objets (plantes vertes, instruments de musique, figurines, etc.); le deuxième, par la présence des quatre Beatles accompagnés de six mannequins en cire, deux « sculptures molles » et quatre figures cartonnées découpées en taille réelle; le dernier, par un assemblage sur plusieurs rangées de découpes grandeur nature d'une cinquantaine de portraits de personnages plus ou moins célèbres, trois têtes de cire, ainsi qu'un palmier artificiel. La réalisation de la pochette nécessite un travail de composition important, dus à Peter Blake, l'un des pères du pop art, et à Jann Haworth, alors son épouse (et fille de Ted Haworth, important directeur artistique de studios cinématographiques qui l'a initiée aux techniques des décors de cinéma).

La production est initiée par le collectionneur d'art Robert Fraser, proche ami du groupe, et le photographe Michael Cooper est choisi pour prendre les photos de l'installation assisté de Nigel Hartnup, Trevor Sutton et Andrew Boulton. La direction artistique est effectuée par le photographe américain Al Vandenberg. Neil Aspinall et Mal Evans sont chargés d'aller dans diverses librairies et bibliothèques chercher l'image des différents personnages. La préparation du décor nécessite deux semaines de travail. Le graphiste britannique Gene Mahon, qui dessinera quelques mois plus tard le logo d'Apple Corps, procède au montage des agrandissements photo que Nigel Hartnup et Jann Haworth coloriseront avec des teintures. La session de photos elle-même dure plusieurs heures, le 30 mars 1967 au studio du 4 rue Chelsea Manor à Londres. Le coût final de cette pochette s'élève à 2868£ 5s 3d soit environ cent fois le coût habituel à l'époque.

À l'instar de celle de leur précédent album, Revolver en 1966, la pochette reçoit le prix Grammy dans la catégorie arts graphiques. Jann Haworth et Peter Blake ne reçoivent qu'un forfait de 200 £ sans droits d'auteur prévus (en dépit de leur signature sur la planche à découper), fait qui contrarie toujours ce dernier : « Même les responsables de l'arrangement floral furent mieux payés ». Au centre de ce visuel, se trouvent les Beatles, chacun vêtu d'un uniforme de parade d'une couleur différente, se tenant debout, réunis derrière une grosse caisse de fanfare militaire. Sur sa peau figure le titre de l'album, prenant la forme d'un logo conçu par l'artiste Joe Ephgraved. Cet artiste de fêtes foraines, un ami de Jann Haworth et de son père, a conçu deux modèles disposés sur chacune des membranes de la caisse. Sur le premier cliché pris lors de cette journée, celle-ci est inversée pour montrer le design alternatif. C'est la seule fois que l'on peut voir cette face lors de cette séance photo, e. À leurs pieds, au milieu du massif paysagé, des jacinthes rouges forment le mot « Beatles » en lettres capitales.

Cette pochette présente une vraie rupture avec les précédents albums car ici, chaque Beatle a sa propre coiffure, son propre costume, sa propre identité mais tous portent la moustache. Le contraste est d'ailleurs accentué par la présence, à leurs côtés, de statues de cire en habits sombres à l'effigie des « anciens Beatles », empruntés du musée Madame Tussauds à Londres. C'est aussi la première fois qu'on voit, sur une pochette d'album officiel des Beatles, Lennon porter des lunettes. Myope depuis de nombreuses années, il trouvait que les lunettes ne lui allaient pas. Il doit cependant porter des lunettes rondes de type Windsor pour son rôle dans le film How I Won the War tourné à la fin de l'année 1966 ; il en fait dès ce moment-là sa « marque de fabrique ». Le très fort décalage entre l'image classique des « Fab Four » et de leurs alter ego, concepteurs de cet album, est d'ailleurs vu par certains fans comme l'annonce d'une rupture proche, qui n'intervient cependant que trois ans plus tard. 

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
Célébrités présentes sur le visuel de couverture

Une particularité remarquable de ce visuel réside dans la quantité et la diversité des personnages que l'on peut voir aux côtés et derrière les Beatles ; en effet, la pochette se présente comme un « portrait de famille », sur lequel apparaissent les personnages à qui ils veulent rendre hommage « sans qui les Beatles n'auraient pas été les Beatles ». Ainsi, on peut y retrouver tout en haut le portrait d'Edgar Allan Poe — à qui il sera plus tard fait référence dans les paroles de I Am the Walrus —, ou encore Bob Dylan — chanteur admiré par le groupe qui leur a fait découvrir la marijuana lors de leur tournée américaine de l'été 1964 —, et enfin Lewis Carroll — dont les écrits inspirèrent la rédaction des paroles de Lucy in the Sky with Diamonds. Pourtant, Lennon et McCartney ne soumettent en tout qu'une vingtaine de personnages, Harrison, six gourous dont quatre sont retenus, tandis que Ringo Starr ne soumet aucune proposition. Le reste des personnages sont choisis par Blake, Haworth et Fraser. Curieusement, Elvis Presley (présence trop importante d'après McCartney), Little Richard, Chuck Berry ni Buddy Holly, quatre influences majeures du groupe45, n'y figurent pas. La mise en scène rappelle une photographie de l'orchestre de Jim McCartney, le père de Paul, qui pose autour d'une grosse caisse. De plus, la pochette d'un E.P. suédois produit en 1964 par Mercblecket, un orchestre d'étudiants, reprenant quatre tubes des Beatles, a comme pochette la photo des membres du groupe portant des uniformes et posant autour d'une grosse caisse. À l'arrivée des Beatles à l'aéroport de Stockholm en juillet, l'orchestre est présent et offre à Paul McCartney le disque en question.

Voici la liste des célébrités qui apparaissent sur le diorama de la pochette de l'album, rang par rang, de haut en bas, en partant de la gauche. Au rang supérieur, on voit le gourou Sri Yukteswar Girig, Aleister Crowley (occultiste), Mae West (actrice), Lenny Bruce (humoriste), Karlheinz Stockhausen (compositeur allemand), W. C. Fields (comédien), Carl Gustav Jung (psychologue), Edgar Allan Poe (écrivain), Fred Astaire (acteur et danseur), Richard Merkin (artiste), une Vargas Girl (dessin de Alberto Vargas), Huntz Hall (acteur)h, Simon Rodia (concepteur des Watts Towers) et Bob Dylan (auteur-compositeur-interprète). Au second rang, on trouve Aubrey Beardsley (illustrateur et dandy du XIXe siècle), Robert Peel (Premier ministre britannique du XIXe siècle), Aldous Huxley (écrivain), Dylan Thomas (poète gallois), Terry Southern (écrivain américain), Dion DiMucci (chanteur américain), Tony Curtis (acteur), Wallace Berman (artiste plasticien américain), Tommy Handley (humoriste), Marilyn Monroe (actrice), William S. Burroughs (écrivain), le gourou immortel Sri Mahavatar Babaji, Stan Laurel (acteur), Richard Lindner (artiste de New-York), Oliver Hardy (acteur), Karl Marx (philosophe politique), H.G. Wells (écrivain), le gourou Sri Paramahansa Yogananda, James Joyce (romancier et poète), pratiquement caché à côté d'une tête de mannequin anonyme portant un chapeau rayé.

Au troisième rang, on aperçoit Stuart Sutcliffe (ex-Beatle), un autre mannequin non identifié portant un chapeau vert, Max Miller (comédien), une Petty Girl au chapeau mauve (par l'artiste George Petty), Marlon Brando (acteur)i, Tom Mix (acteur de Western), Oscar Wilde (écrivain), Tyrone Power (acteur), Larry Bell (artiste peintre), David Livingstone (explorateur)j, Johnny Weissmuller (nageur et acteur), Stephen Crane (écrivain américain) presque caché derrière la main levée d'Issy Bonn (comédien), George Bernard Shaw (écrivain)k, H. C. Westermann (sculpteur) derrière la plume du chapeau d'Harrison, Albert Stubbins (footballeur de Liverpool), le gourou Sri Lahiri Mahasaya, Lewis Carroll (écrivain) et la tête en cire de T.E. Lawrence (officier et écrivain mieux connu sous le nom « Lawrence d'Arabie »). Au devant, se trouvent : une statue de cire du boxeur américain Sonny Liston, une autre découpe de Petty Girl cette fois au chapeau bleu, les statues de cire des quatre Beatles habillés de noirm, avec, à peine visible derrière Lennon, le visage de Shirley Temple; les Beatles en chair et en os posant avec leurs costumes militaires colorés (Lennon, Starr, McCartney et Harrison chacun tenant respectivement un cor d'harmonie, une trompette, un cor anglais et un piccolo), puis, les figures découpées de l'acteur et chanteur d'origine canadienne Bobby Breen, de l'actrice allemande Marlene Dietrich habillée en jaune, et, en plus petit, de nouveau Shirley Temple devant la découpe d'un soldat anonyme du « Royal Antediluvian Order of Buffaloes »n et à côté de la statue de cire de l'actrice Diana Dors. À l’extrême droite on voit une poupée en chiffon d'une fillette, encore une fois sous les traits de Shirley Temple, portant le pull rayé d'Adam Cooper, le fils du photographe, où est inscrit sur le devant « Welcome The Rolling Stones » et sur les manches « Good Guys » (« Bienvenue les Rolling Stones - Bons gars »). Celle-ci est assise sur les genoux d'une autre « sculpture molle » représentant une vieille dame (The Old Lady, 1965). Ces deux poupées ont été conçues par Jann Haworth. 

Célébrités non incluses ou cachées

Pour diverses raisons, d'autres célébrités initialement prévues sur la pochette furent retirées. Ce fut notamment le cas de trois personnages que John Lennon avait souhaité faire apparaître : Jésus-Christ (n'a pas été inclus après la célèbre phrase controversée prononcée à son sujet par le Beatle), Gandhi (présent dans la photo originale mais effacé parce que la maison de disques EMI pensait que sa présence choquerait la communauté indienne) et Adolf Hitler (son effigie a été produite mais rapidement retirée après discussion entre les personnes présentes lors de la séance photo). L'image de l'acteur Leo Gorcey, dans son rôle de Slip Mahoney des Bowery Boys, a elle aussi été effacée en postproduction lorsqu'il a demandé d'être rémunéré.

Présents dans le montage, les acteurs Timothy Carey et Bette Davis, cette dernière dans son rôle d'Élisabeth Ire du film The Virgin Queen, sont cachés par Harrison tandis que le physicien Albert Einstein, duquel on ne voit que les cheveux, est derrière l'épaule droite de Lennon. Ces trois personnalités et les deux autres, qui ont été effacés en post-production, reprennent leurs places sur les pochettes des disques deux, trois et quatre de la réédition du 50e anniversaire. Mais une photo des acteurs Sophia Loren et Marcello Mastroianni tirée d'une scène du film Mariage à l'italienne reste cachée derrière les statues de cire des Beatles

Les costumes

Sur cette pochette, chacun des Beatles est vêtu d'un uniforme de parade d'inspiration militaire, période edwardienne en satin, d'une couleur extrêmement vive et personnalisée à la teinture fluorescente. John Lennon porte un costume vert et jaune, Paul McCartney est vêtu de bleu, George Harrison de rouge et Ringo Starr de rose. Ces uniformes, fabriqués par la firme M. Berman Ltd, mais conçus par le couturier d'origine mexicaine Manuel Cuevas56 connu pour avoir dessiné des costumes de scène pour de nombreux chanteurs tels Elvis et Johnny Cash, comportent aussi des insignes particuliers à chaque membre : Lennon arbore les armes royales du Royaume-Uni sur sa manche droite et les médailles militaires du grand-père de Pete Best, empruntée de sa mère Mona, au devant, à gauche, à peine visibles. 

Harrison et McCartney portent leurs médailles de l'Ordre de l'Empire britannique, qui leur furent donnés par la reine Élisabeth en 1965. Un écusson de la police provinciale de l'Ontario portant les initiales « O.P.P. » (pour Ontario Provincial Police), est apposé sur la manche gauche de McCartney. En 1969, lors de la propagation d'une rumeur supposant que ce dernier était mort, on avait prétendu que c'était « O.P.D. » qui était inscrit sur cet écusson, soit « Officially Pronounced Dead » (« officiellement déclaré mort »). Les costumes de scène gris, que portent les statues de cire du groupe, sont inspirés d'un design de Pierre Cardin et fabriqués par Douglas Millings de l'entreprise de tailleurs DA Millings and Son de Londres. 

Les autres visuels

Aux pieds des Beatles, on voit sur la pochette du disque un certain nombre d'objets parmi les fleurs et les plantes en pots. De gauche à droite, on distingue : un boa violet, un nain de jardin (devant un massif de jacinthes bleues), un narguilé, un fukusuke (souvenir de Lennon de la tournée au Japon), une figurine de Blanche Neige, un euphonium, un trophéer, un buste (qui vient des jardins du domaine de Lennon), un petit poste de télévision Sony (acheté par McCartney au Japon), une figurine féminine, la céramique mexicaine dite de l'Arbre de viet, une petite statue de pierre (sous le pied gauche de la poupée en chiffon) et, enfin, au premier plan, la statuette d'une divinité indienne, Lakshmi entourée de fleurs rouges et blanches. Des jacinthes rouges sont disposées de façon à écrire le mot « Beatles », des jaunes placées en forme de guitare et finalement un autre petit massif de fleurs blanches, bleues, rouges et jaunes en forme d'étoile. La grosse caisse, sur laquelle est peint le titre du disque, est celle du Régiment Essex Yeomanry, un régiment de cavalerie, débarqué au Havre en décembre 1914, et qui aura tout de suite été plongé dans l’horreur de la Grande Guerre avec ses chevaux. Membre de cette unité, Henry Harrison, le grand-père de George Harrison, avait succombé au premier jour de la bataille de Loos-en-Gohelle, le 25 septembre 1915. Le nom de cette bataille figure en toutes lettres sur le fût avec d'autres batailles de la Somme. En 1964, Ringo Starr portait cette grosse caisse pendant que le reste du groupe posait avec des cornemuses lors d'une séance photo dans les jardins du « Ambassador's Club » à Londres. Une de ces photos a été utilisée pour deux albums compilations d'Allemagne de l'Est publiés par le label Amiga, le premier en 1965 et l'autre en 1983.

Pour la seconde fois, après Beatles for Sale, la pochette du 33 tours est double et peut s'ouvrir comme un livre, faisant apparaître plein cadre sur fond jaune uni une photo plus resserrée du groupe toujours en uniforme et assis par terre, qui permet l'insertion d'un supplément. À l'origine, le groupe avait pour projet d'y inclure plus d'images, des crayons de couleurs ou des pin's. Cependant, face au coût potentiel d'une telle opération, la production se résigna à n'inclure qu'une simple planche uniface d'accessoires à découper, signé par Blake et Haworth, et numérotés en un encadré descriptif intitulé Sgt. Pepper Cut-Outs. Parmi ces cinq accessoires, on trouve dans l'ordre énuméré : une moustache postiche, une carte postale figurant un militaire et légendée Sgt. Pepper, une paire de chevrons qui marquent le grade de sergent à appliquer sur ses manches, deux badges (le logo de l'album et le portrait du sergent), et enfin un portrait « présentoir » des Beatles. Sous cette photo du groupe, on voit une section de cercle (rattachée à la partie à plier) sur lequel est écrit « Sgt Peppers Band » (encore sans l'apostrophe du génitif) avec des lettres décorées d'anciennes photos de visages de femmes. 

Bien que la légende, présente sur les rééditions du disque, indique que le portrait de la carte postale est inspiré du buste placé aux pieds de Harrison sur la couverture du disque, ce personnage est en fait un dessin du major général James Melvin Babington, du 16th The Queen's Lancers de la première cavalerie postée en Afrique du Sud lors de la seconde guerre des Boers, tel que vu sur son portrait officiel. L'endos de la pochette comporte une autre innovation; aucun autre album n'avait auparavant inclus les paroles des chansons. Sur cette face de la pochette, on retrouve une autre photographie des Beatles portant leurs costumes de parade militaire, où McCartney est vu de dos. Enfin, pour les premières éditions, le disque vinyle lui-même était proposé dans une pochette de protection imprimée d'un motif dégradé de rouge dessinée par le collectif néerlandais The Fool. Ce design fut intégré au livret de la réédition du 20e anniversaire et on le retrouve aujourd'hui sur les pages collées à l'intérieur de la couverture rigide du livre accompagnant la réédition 50e anniversaire. Ce duo d'artistes, Marijke Koger et Simon Posthum, avaient aussi créé un dessin pour l'intérieur de la pochette mais celui-ci a finalement a été abandonné. Ils créeront plus tard l'illustration psychédélique qui couvrira, pour quelques mois seulement, les trois étages de l'édifice abritant la Boutique Apple sur Baker Street à Londres. 

Réception

À sa sortie, Sgt. Pepper reçoit un accueil très favorable des critiques et du public. Les revues de l'album apparaissant dans les journaux et magazines musicaux en juin 1967, immédiatement après son lancement, étaient généralement positives. Le critique du Times Kenneth Tynan décrit Sgt. Pepper comme « un moment décisif dans l'histoire de la civilisation occidentale ». Un critique notable qui n'a pas aimé l'album est Richard Goldstein, du New York Times, qui a écrit : « Comme un enfant attendu, Sergeant Pepper est gâté. Il présente des cors et des harpes, des quartets d'harmonica, plusieurs bruits d'animaux, et un orchestre de 41 musiciens » et a ajouté que « c'est un album d'effets sonores, superbe mais en définitive frauduleux ». Cette revue provoqua l'envoi de plusieurs lettres furieuses à Goldstein. D'un autre côté, Goldstein a décrit la chanson A Day in the Life comme « une excursion morbide dans la musique émotive avec de bonnes paroles », et qu'elle « reste la plus importante chanson du couple Lennon/McCartney, et qu'elle est un évènement pop historique ».

Le musicien rock qui s'est moqué de l'album est Frank Zappa, qui a accusé les Beatles d'utiliser l'esthétisme du Flower Power à des fins mercantiles, mentionnant dans un article du magazine Rolling Stone qu'il sentait qu'ils « étaient là juste pour l'argent ». Cette critique est plus tard devenu le titre de l'album des Mothers of Invention We're Only in It for the Money, qui se moquait de Sgt. Pepper avec une pochette similaire. Ironiquement, lorsque l'enregistrement de Sgt. Pepper a été terminé, McCartney a dit : « Cet album sera notre Freak Out! », qui fait référence au premier album de Zappa (1966), considéré par beaucoup de personnes comme un des premiers albums-concept.

La durée de vie de l'album dans les charts britanniques et américains est phénoménale. En Grande-Bretagne, il entre à la 8e position avant même sa sortie et atteint la première place la semaine suivante où il reste pendant 23 semaines consécutives. Il est ensuite détrôné par la bande sonore du film La Mélodie du bonheur. Aux États-Unis, l'album reste 15 semaines numéro 176. Lors de la réédition en CD de l'album en 1987, il atteint la troisième place. En juin 1992, le CD est réédité pour le 25e anniversaire de l'album, et atteint la sixième position. En 2007, à l'occasion des 40 ans de sa parution, Sgt. Pepper entre à nouveau dans les charts à la 47e place. Il atteint les première et troisième positions en Angleterre et aux États-Unis à la suite de son remixage pour le cinquantième anniversaire de sa sortie en 2017. En tout, à ce jour, l'album a passé 269 semaines dans les charts britanniques.

En 1968, Sgt. Pepper est le premier album rock à gagner le Grammy Award de l'album de l'année. Les ventes aux États-Unis totalisent 11 millions d'albums vendus. Il se vend à 32 millions d'exemplaires à travers le monde. L'album a figuré sur bon nombre de listes des meilleurs albums rock, comme le magazine Rolling Stone, qui le place à la tête de sa liste des 500 meilleurs albums de tous les temps, VH1 (10e position) et Bill Shapiro (liste non numérotée). En 1997, Sgt. Pepper a été nommé plus grand album de tous les temps dans la liste Music of the Millennium. En 1998, le magazine Q l'a placé à la position n° 7. Selon le site Acclaimedmusic.net, l'album est 5e sur la liste des albums les plus acclamés de tous les temps par la critique. Sgt. Pepper est sélectionné en 2004 pour figurer au Registre national des enregistrements (National Recording Registry) de la Bibliothèque du Congrès américain. Pour un grand nombre de spécialistes en « beatlologie », Sgt. Pepper reste le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre. 

L'été de l'amour (Summer of Love)

Les Beatles et leur évolution sur le plan personnel et artistique ont également joué un rôle dans la portée qu'a eu le Summer of Love. L'album Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band sort le 1er juin 1967 en Europe et le lendemain aux États-Unis. Par ses influences psychédéliques, ses instruments indiens, sa pochette aux couleurs vives, l'album synthétisait l'essence même du Summer of Love, même si seules quatre chansons « font effectivement référence aux bouleversements dus à l'émergence de cette nouvelle culture au sein de la jeunesse » : Lucy in the Sky with Diamonds, She's Leaving Home, Within You Without You et A Day in the Life. Une copie du disque, achetée en Europe et importée par une hôtesse de l'air le 1er juin 1967, a été présentée en boucle de 14 heures à 2 heures du matin, au Pavillon de la jeunesse lors de l'Expo 67 à Montréal. Des centaines de personnes ont pu l'écouter 24 heures avant sa sortie officielle en Amérique du Nord. À cette époque, les Beatles ont dépassé leur image de « bons garçons », et le 25 juin 1967, à Our World (en), la première émission en mondovision, leur chanson All You Need Is Love (qui ne figure pas sur Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band), écoutée dans le monde entier, insistait sur les idéaux d'amour, de paix et d'unité véhiculés par la contre-culture. 

Allusions à la drogue

Parallèlement au caractère excentrique des images de la pochette (costumes militaires extravagants entre autres) et le foisonnement exubérant des arrangements psychédéliques, l'allusion à la drogue qui apparaît évidente pour la plupart des observateurs de l'époque est le texte surréaliste et surtout les initiales (LSD) de la chanson Lucy in the Sky with Diamonds. Mais son auteur, John Lennon, explique qu'en fait il est parti d'un dessin que son fils Julian, alors âgé de quatre ans, a ramené de sa classe de maternelle en lui expliquant qu'il avait dessiné sa copine Lucy O'Donnell « dans le ciel avec des diamants ». Le compositeur, qui cite aussi Lewis Carroll et son œuvre Alice au pays des merveilles comme source d'inspiration, se dit le premier étonné de l'interprétation qui est faite de son titre. Lennon et McCartney écrivent ensemble la dernière phrase avant la montée orchestrale dans A Day in the Life, « I'd love to turn you on » (qui se traduit soit par « J'aimerais te brancher », ou « J'aimerais t'allumer »), qui fait scandale pour sa connotation et provoque son interdiction sur la radio britannique.

L'héroïne joue également un rôle dans l'interdiction de deux autres chansons de l'album à l'antenne : Fixing a Hole — dont le titre supposerait que le chanteur se fait un « fix », alors que McCartney parle seulement de « boucher un trou » dans le plafond d'une ferme en mauvais état — et Being for the Benefit of Mr. Kite! à cause du personnage Henry the Horse, puisque « horse » signifie héroïne en argot anglais. Ce sont pourtant des interprétations totalement erronées de la part des « autorités compétentes ». Pour les marchés de l'Asie du Sud Est, de la Malaisie et de Hong Kong, EMI est contraint de publier une version modifiée de cet album. En effet, comme on juge que les chansons With a Little Help from My Friends, Lucy in the Sky with Diamonds et A Day in the Life font allusion à la drogue, elles sont remplacées par The Fool on the Hill, Baby You're a Rich Man et I'm the Walrus (sic) tirées de l'album Magical Mystery Tour. En 1977, la Corée supprimera aussi Lucy in the Sky with Diamonds et A Day in the Life pour la même raison mais, cette fois, sans les remplacer. 

Titres

Toutes les chansons sont écrites et composées par John Lennon et Paul McCartney, sauf mention contraire.

Face 1
  • Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band : 2:02
  • With a Little Help from My Friends : 2:43
  • Lucy in the Sky with Diamonds : 3:27
  • Getting Better : 2:47
  • Fixing a Hole : 2:36
  • She's Leaving Home : 3:34
  • Being for the Benefit of Mr. Kite! : 2:37
Face 2
  • Within You Without You (George Harrison) : 5:05
  • When I'm Sixty-Four : 2:37
  • Lovely Rita : 2:41
  • Good Morning Good Morning : 2:40
  • Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (Reprise) : 1:18
  • A Day in the Life : 5:33

Musiciens

  • John Lennon : guitares acoustique et électrique, orgue, piano, percussions, chant, effets sonores
  • Paul McCartney : guitare basse, guitare acoustique, guitare électrique, piano, orgue, percussions, chant, effets sonores
  • George Harrison : guitares acoustique et électrique, sitar, tamboura, harmonica, percussions, chant
  • Ringo Starr : batterie, percussions, piano, harmonica, chant
Musiciens additionnels
  • George Martin : clavecin, orgue, piano, harmonium
  • Mal Evans : piano, harmonica, harmonium, percussions, chant
  • Neil Aspinall : harmonica, tamboura
  • Asian Music Circle : Quatre musiciens jouant du tabla, du dilruba, du swordmandel et des percussions indiennes
  • L'Orchestre symphonique de Londres

Fiche Technique

  • Titre : Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band
  • Album de The Beatles
  • Sortie : Date de sortie : France 1er juin 1967, États-Unis, Canada 2 juin 1967
  • Enregistré : 6 décembre 1966 au 21 avril 1967
  • Studios EMI et Regent Sound, Londres
  • Durée : 40 minutes (approx.)
  • Genre : Rock psychédélique, art rock, pop baroque, proto-prog
  • Format : 33 tours
  • Producteur : George Martin
  • Label : France Parlophone, États-Unis, Canada Capitol

Rédigé par Rolling Stones Stories

Publié dans #Albums

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